L’erreur comme outil diagnostic
Par Alain Thiry
Psychologue, « Enseignant » certifié en PNL, spécialisé dans le domaine de l’apprentissage.
Cet article est paru dans la revue « Cahiers pédagogiques » n° 494 de janv. 2012, p 34.
Dis-moi comment tu apprends, je te dirai pourquoi tu te trompes. Un diagnostic des mauvaises méthodes d’étude des élèves et les apports de la Programmation Neuro-Linguistique donnent des outils pour proposer d’autres stratégies d’apprentissage aux élèves.
Les erreurs d’un élève sont des opportunités pédagogiques pour l’enseignant. D’abord celui-ci peut repérer s’il y a des redondances dans ces erreurs. Pas dans l’erreur en elle-même mais dans le type d’opérations mentales utilisées par le jeune chaque fois qu’il fait celle-ci. Mais pour cela, il doit distinguer les erreurs de mémorisation de celles de compréhension ou encore de réflexion, d’expression ou de transfert. Échanger avec l’élève sur la manière de « comment il s’y prend pour étudier » permettra de confirmer un diagnostic et de pouvoir ensuite l’aider concrètement pour remédier à ses difficultés.
Comprendre les processus
La démarche de la Programmation Neuro-Linguistique (PNL)[1] peut nous aider dans ce contexte. En effet, celle-ci est une approche pragmatique en psychologie qui cherche à modéliser les savoir-faire et savoir-être des gens brillants. Une manière d’essayer de réaliser un inventaire des meilleures pratiques. Si cette technique s’est développé dans le domaine de la psychothérapie et du management, son utilisation dans le contexte de l’apprentissage scolaire devient très précis et offre une compréhension éclairante des processus cognitifs qu’un jeune peut utiliser pour faciliter son étude.
Actions mentales
Selon la pédagogie PNL[2], pour mémoriser, l’élève doit rechercher à visualiserl’information à retenir et ensuite sentir (Kinesthésique) qu’il peut la maintenir correcte dans son esprit. Il devra ensuite réviser cette information, c’est-à-dire la re-voir régulièrement dans sa tête pour passer à la mémoire à long terme. Ici, quatre actions mentales sont nécessaires : visuel, Kinesthésique, ré-vision, régulière. Est-ce que l’élève en omet une ? Ou plusieurs ? Ceux qui étudient « par cœur » avec leur « dialogue interne » ou « petite voix intérieure » ne font aucune des quatre. Quand ils font une erreur, la corriger sur la feuille est nécessaire mais là n’est pas le vrai problème. L’essentiel réside dans le repérage d’une mauvaise méthode d’étude qui peut être changée.
Distinguer les erreurs de mémorisation de celles de compréhension ou encore de réflexion
Regardons, par exemple, le contexte de l’orthographe d’usage. Si un élève fait une erreur du type « faraon » ou lieu de « pharaon », nous dirons qu’il écrit phonétiquement. C’est exact, mais en terme d’opération mentale au sens de la pédagogie PNL, nous constatons qu’il lui aura fallu ou bien une opération d’auditif remémoré, c’est-à-dire réentendre ce que le professeur a dit ou de « dialogue interne », c’est-à-dire se le répéter mentalement avec sa petite voix intérieure et le résultat n’est pas satisfaisant. Cet élève a besoin que quelqu’un lui apprenne une bonne stratégie de mémorisation, car il n’a pratiquement aucune chance de la trouver tout seul.
Comprendre ou réfléchir ?
Prenons maintenant l’exemple de la compréhension et la réflexion. Il existe généralement une confusion entre les deux. La compréhension sert à appréhender le sens de ce qu’a expliqué l’enseignant, alors que la réflexion permet de faire des liens avec des connaissances préalables (déjà comprises), c’est-à-dire d’aller plus loin que ce qu’on a lu ou entendu, d’en faire ses propres conclusions. Imaginez cet élève en secondaire qui essaie de comprendre le texte donné par son professeur sur le concept de « despote éclairé ». S’il lui est difficile de visualiser le lien avec les « philosophes des lumières », il peut essayer de s’en sortir en réfléchissant, en se demandant si cela lui fait penser à quelque chose qu’il a déjà entendu, notamment qu’un despote c’est un tyran. De là à dire que Joseph II de Bavière est un peu comme Pinochet, il n’y a qu’un pas pour ce jeune et une crise de nerf pour son enseignant.
Si un jeune fait une erreur de contenu, de sens, est-elle due à une erreur de compréhension de l’explication, c’est-à-dire, ne pas avoir la bonne image pour les mots du professeur, ou à une erreur de réflexion dont il tire une conclusion abusive ? Ou est-elle due au fait qu’il n’est pas expérimenté dans sa capacité de compréhension et essaie d’y palier par des opérations de réflexion personnelle ? La distinction est importante pour savoir que faire pour y remédier. Les deux premières raisons seront réglées par une bonne explication, alors que la troisième nécessite que quelqu’un lui apprenne une bonne stratégie de compréhension et l’entraîne dans un séquence progressive.
L’enseignant devra ici distinguer trois types de problèmes de compréhension. Le premier est lié à la capacité d’un élève à visualiser concrètement (signifié) le sens de ce qui est dit (signifiant). Le deuxième correspond au manque de bases nécessaires pour aborder une nouvelle notion. Le troisième, plus complexe, est à mettre en corrélation avec la compétence de lier les idées entre elles, c’est-à-dire à saisir une argumentation. Il existe des techniques et exercices d’intégration différents pour chacun de ces points.
D’après la PNL, toutes les opérations mentales[3] sont utiles dans une scolarité mais pas pour faire n’importe quoi. Par exemple, un auditif remémoré sera évidement le plus performant pour intégrer la prononciation d’une langue étrangère mais restera très moyen pour mémoriser de l’orthographe.
Guider les élèves
L’apprentissage de ces stratégies nécessite un effort supplémentaire de la part de l’enseignant, mais la plus-value pédagogique en vaut la peine. Il existe une école primaire en Belgique qui utilise à chaque heure de cours ces stratégies PNL d’apprentissage avec des élèves en décrochage scolaire total. Les enseignantes parviennent ainsi à les ramener parmi les meilleurs. Lors du CEB[4] de 2010, le résultat du groupe classe était situé au dessus de la moyenne de la communauté francophone, alors qu’ils étaient, quatre ans plus tôt, réputés incapables d’apprendre et renvoyés des autres écoles de la ville. Pour certains enseignants, lorsqu’un élève fait trop d’erreurs, il n’y a plus d’espoir. Pour d’autres, cela ne pose aucun problème mais nécessite un peu d’expertise pédagogique.
L’enseignant qui utilise l’opportunité de l’erreur d’un élève pour lui permettre de prendre conscience qu’il s’y prend mal dans sa tête aidera réellement l’élève. Il pourra au travers d’une séquence d’exercices le guider dans les opérations mentales nécessaires à sa réussite, lui apprendre à apprendre avant de lui donner des choses à apprendre. Celui-là est l’enseignant que chaque enfant à besoin de rencontrer au moins une fois dans sa scolarité.
[1] La Programmation Neuro-Linguistique est née en 1975 aux Etats-Unis. Elle se caractérise par 3 aspects : la modélisation des compétences, les compétences déjà modélisées, et une certaine manière de regarder le monde. Elle vise l’autonomie, l’estime de soi et l’amélioration de chacun. Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Programmation_neuro-linguistique
[2] Issue de la Programmation Neuro-Linguistique, basée sur la modélisation des compétences des élèves brillants. Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Pédagogie_PNL
[3] En PNL, les intervenants distinguent 24 opérations mentales différentes, constituées de perception/évocation, de signifiant/signifié, de construit/rémémoré, visuel/auditif/kinesthésique/dialogue interne.
[4] Examen en Belgique, du type BAC mais à la fin des primaires, même examen pour tous les élèves et qui conditionne l’accès au secondaire général.